Leu Matafans della Madeleina (Les Matefaims de la Madeleine)
Dominique m'a envoyé une histoire régionale truculente, que je vous dévoile ci-dessous :
LEU MATAFANS DELLA MADELEINA
Texte en patois couché sur le papier par un certain Jean de Venici (Vénissieux) qui se qualifiait de « Dophino qu’ê devenu lyonnais » et paru dans Le Dauphiné, courrier des eaux thermales de la région, du 20 mai 1900.
C’est un récit facétieux, dont la chute sert de petit règlement de compte envers les Saint-Foniards [habitants de Saint-Fons], lesquels en faisant sécession en 1888, emmenèrent avec eux quasiment toute l’industrie vénissiane. La chute finale dénonce la pollution industrielle, qui sévissait déjà il y a 125 ans…
On y relève la traduction en patois de Feyzin (*).
La Madeleina étiait una brova fena que demorovo dien lo quarti della Borella, à Venici. On jo, que deu venovo dou village de fére una commichon, la Madeleina m’appelovo, alle étiait apré fére deu matafans.
— Jean, qu’alle dige, vins migi on matafan.
— Mé, deu n’é po fan; deu vo remarciye bien, Madeleina.
— Migi donc ; n’en vetiait yon qu’é bien rossi.
Tandis qu’alle me parlovo, lo chin dou vasin Payeu étiait entro dien la mason et tornovo outeu dou pot d’pota. To per on coup, ou levovo la patta et ma fa, vo devino bin ce qu’ou fit.
— Madeleina, Madeleina, aviso donc cetti chin ; que té qu’ou vint de fére ?
— Canali de chin, vous-tu t’en allo, que criovo la Madeleina. Et alle li balivo on grand coup de pi.
Ah bin ! Yorandra, ma poura Madeleina, voutra pota y et preduè.
— Preduè ! teu plaisantes, Jean.
Et la vetiait que se mettovo à brosso sa pota et à fére deu matafans comme si de rien n’étiait. Sur ces entrefétes, la Clémentina Grognié vint à passo.
— Clémentina, vins donc migi on matafan.
— Deu n’é po fan, Madeleina. Gramaci.
— Teu me remarcierés apré. Tins, n’en vetiait on joli.
Et la Clémentina mijovo son matafan.
Dopé lontin, la poura pitita aye una maladie de langueu. La bila l’atoffovo; alle ne poje po vomi et teu leu vomitis que li bolivo lo médecin Cartié ne fajant rien.
A peina aye té migè on morcho de matafan della Madeleina, que la poura Clémentina se mettevo à vomi oh mé, à vomi tripes et boyaux.
Quand alle fu debarrochai, alle fuyovo vo sa more ; alle étiait si continta qu’alle ne se tenovo plus de joie.
— More, more, qu’alle criovo; d’é vomi. La Madeleina m’a guarie. Deu ne soffre plus.
Lo bruit se repindit vito dien lo payi della balla guarison qu’aye féti la Madeleina, si bien qu’on vieu monchu bien richo, que s’appelova monchu Fropo et qu’étiait to lo contruiro de la Clémentina se dige : « Si leu matafans della Madeleina ont débarrachai la Clémentina pe davant, i me débarrassiront peut-être bin de l’autre flanc. »
Et lo vetiait que baillo on coup de pi vo la Madeleina.
— Madeleina, vito on matafan; faut que d’essaye.
Lo résultat ne fu po long. Lo matafan étiait to justo fini que son vintro se mettovo à gargolli tant et si bien que monchu Fropo criovo : « Madeleina, ouvri ta porta que d’aille su ton fumi. »
Et de fait, cetti monchu fu débarrachai pe lontin.
Vo pinso bin que to lo monde à Venici et oux environs qu’ayont besoin d’étro débarrachai pe on flanc ou pe l’autre, allovont migi deu matafans vo la Madeleina que n’abondovo po d’en fére. To Venici, to SanPri, Fazin (*), Corbo, etc., etc., ne parlovont que deu matafans della Madeleina.
Et vetiait commint lo médecin et lo pharmachin quittovont Venici où to lo monde se portovo bien, gràci aux matafans della Madeleina, pe allo à St-Fons payi de bocons où to lo mondo yet empoisuno pe les usines.
Traduction en français faite par deux Feyzinois en 2024 :
Les matefaims de la Madeleine, par Jean de Vénissieux.
La Madeleine était une brave femme qui demeurait dans le quartier de la Borelle à Vénissieux.
Un jour que je venais de faire une commission au village, la Madeleine m’appelle, elle était en train de faire des matefaims.
- Jean, qu’elle dit, viens manger un matefaim.
- Mais, je n’ai pas faim. Je vous remercie bien Madeleine.
- Mange donc, en voilà un qui est bien doré.
Tandis qu’elle me parlait, le chien du voisin Payet était entré dans la maison et tournait autour du pot de pâte. Tout d’un coup, il leva la patte, et me fit… Vous devinez bien ce qu’il fit !
- Madeleine, Madeleine, regarde donc ce chien ; qu’est-ce qu’il vient de faire ?
- Canaille de chien, veux-tu t’en aller ! cria la Madeleine, et elle lui donna un grand coup de pied.
- Eh bien ! Maintenant ma pauvre Madeleine votre pâte est perdue.
- Perdue, tu plaisantes, Jean.
Et la voilà qui se met à brasser sa pâte et à faire des matefaims comme si de rien n’était. Sur ces entrefaites, la Clémentine Grognier vient à passer.
- Clémentine, viens donc manger un matefaim.
- Je n’ai pas faim Madeleine, Merci beaucoup.
- Tu me remercieras après, tiens en voilà un joli.
Et la Clémentine mange son matefaim. Depuis longtemps la pauvre petite avait une maladie de langue (maladie digestive). La bile l’étouffait. Elle ne pouvait pas vomir, et tous les vomitifs que lui donnait le médecin Cartier ne faisaient rien. A peine a-t-elle mangé un morceau de matefaim de la Madeleine que la pauvre Clémentine se met à vomir, oh mais à vomir tripes et boyaux. Quand elle fut débarrassée, elle s’enfuit vers sa mère. Elle était si contente qu’elle ne se tenait plus de joie. « Mère, mère qu’elle criait, j’ai vomi. La Madeleine m’a guérie. Je ne souffre plus. »
Le bruit se répandit vite dans le pays de la belle guérison qu’avait fait la Madeleine. Si bien qu’un vieux Monsieur bien riche qui s’appelait Monsieur Frappat (nom de famille issu de l’ancien français frape ; surnom donné à un homme rusé) et qui était tout le contraire de la Clémentine se dit : Si les matefaims de la Madeleine ont débarrassé la Clémentine par devant, ils me débarrasseront peut-être bien de l’autre côté. Et le voilà qui donne un coup de pied vers la Madeleine.
- Madeleine, vite un matefaim, faut que j’essaye.
Le résultat fut rapide. Le matefaim était tout juste fini que son ventre se mit à gargouiller tant et si bien que Monsieur Frappat cria :
- Madeleine, ouvre ta porte, que j’aille sur ton fumier !
Et de fait le Monsieur fut débarrassé pour longtemps. Vous pensez bien que tout le monde à Vénissieux et aux environs qui avait besoin d’être débarrassé d’un côté ou de l’autre, allait manger des matefaims vers la Madeleine qui n’arrivait pas à abonder. [’abonder’ en lyonnais signifie ‘avoir une activité débordante’, cf Dictionnaire des régionalisme de France]
Tout Vénissieux, tout Saint-Priest, Feyzin, Corbas, etc., etc., ne parlait que des matefaims de la Madeleine. Et voilà comment le médecin et le pharmacien quittèrent Vénissieux où tout le monde se portait bien grâce aux matefaims de la Madeleine, pour aller à Saint-Fons, pays de poisons, où tout le monde est empoisonné par les usines.
Dominique Bailly
Les matefaims, qu'en dit Wikipédia ?
« Le matafan, ou matefaim, est une ancienne recette paysanne que l'on retrouve sur l'ensemble du territoire de locution du francoprovençal, aussi bien dans le Dauphiné que dans le Forez ou en Bresse et en Savoie. Le terme désigne actuellement tantôt un type de galette tantôt un type de crêpe.
La recette contemporaine classique est celle d'une galette de pommes de terre. Celle-ci était préparée par les paysans, et mangée tôt le matin, pour leur permettre de tenir jusqu'au repas lors des travaux des champs. (…) Ensuite, le matafan a évolué : la galette est devenue une crêpe salée épaisse, élaborée avec de la farine, des œufs, de l'eau, et en options des pommes de terre écrasées et du fromage. Aujourd'hui, on la trouve toujours couramment en accompagnement d'autres mets.
Cependant, la recette a aussi été adaptée en version sucrée, en remplaçant les pommes de terre par des pommes — de préférence des reinettes —, et en enrichissant la pâte avec du lait, du sucre, de la levure et du sucre vanillé, ce qui la rapproche d'une classique pâte à crêpe. Ce matefaim est servi traditionnellement en famille pour la Chandeleur. Pour la différencier, le contenu d'un petit verre de génépi des montagnes peut y être ajouté. »
Et si faire de la pâtisserie vous tente, vous pouvez vous référer à L'Atelier des Chefs, pour réaliser un matefaim lyonnais aux pommes !
https://www.atelierdeschefs.fr/recettes/31966/matefaim-lyonnais-aux-pommes/
Remerciements à Dominique Bailly ; tous documents d'illustration de cet article : web
Quelques publicités d'autrefois sur Lyon :
Bal des Étudiants, Œuvre de bienfaisance au profit des pauvres de Lyon, salle Rameau. Par Didier, 1909
À Lyon, les grands travaux d’assainissement et d’urbanisme sous le second Empire sont un terreau propice à l’ouverture de grands magasins. Inauguré le 8 novembre 1886, le Grand Bazar, deuxième magasin ouvert à Lyon par l’entrepreneur Henry Perrot est emblématique de ces nouveaux modes de consommation qui s’adressent à une clientèle élargie et apportent un soin particulier à la satisfaction des consommateurs.
Relayés par la presse, grâce à des réclames et dans la rue par des affiches publicitaires aux couleurs chatoyantes, les grands magasins établissent les bases d’un nouveau modèle économique en proposant une très large gamme d’articles sans obligation d’achat, avec des prix bas et fixes, sans oublier des promotions régulières.
(Le Temps des Réclames)
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