Le Cercle

Publié le par Oxymore

Le Cercle fut fondé en 1921 à Feyzin. Conçu à l’initiative d’un prêtre, l’abbé Anselme, curé à Feyzin, et d’un groupe de jeune Feyzinois , le bâtiment fut construit au bout de l’allée des Marronniers, « avec l’argent, les dons en nature et la sueur des pionniers », écrit Georges Saunier dans Feyzin au passé simple 2 (1986) ; il ajoute que la salle « a été longtemps le berceau , le lieu, le témoin de toute la vie paroissiale locale »

Le Cercle fut d’abord le Cercle Athlétique de Feyzin (C.A.F.) avec des statuts qui voulaient favoriser non seulement le culturel (réunions d’études, conférences) mais aussi « promouvoir et favoriser les œuvres d’éducation populaire, séances récréatives, sports, gymnastique, préparation militaire » (op. cit.). Ce groupement de jeunes gens en Association perdura longtemps à Feyzin.

Les activités sportives avaient encore lieu après la Seconde Guerre mondiale. En 1944, « Le Feyzinois », bulletin de l’ « écho paroissial » de Feyzin, raconte dans la Chronique du Cercle , « la dominante [qui semblait] vouloir être le désir de vaincre » des jeunes sportifs. Mais le Cercle n’était déjà plus appelé qu’ainsi, car se déroulaient des « soirées d’études d’hommes » (les femmes étaient-elles proscrites ?), des activités du « groupe artistique »

 
Le numéro 1 du  "Feyzinois" en 1944 ; il coûtait 1 franc

(des pièces de théâtre ou des spectacles) qui remplissaient la salle et dont les recettes allaient aux Prisonniers. L’auteur de l’article, G.G. (et j’ignore de qui il s’agissait), termine sa chronique ainsi : « Bravo, les jeunes de Feyzin, et plus que jamais soyez fidèles à ma devise : Haut les cœurs et en avant, toujours ! »

Extrait du "Feyzinois" n° 1

Avant que le Cercle ne devînt,  à la fin des années 1960, le « Cercle Foyer », se déroulaient là des tournois le week end : billard, jeux de société, jeu de boules dans la cour. Et toujours, par la suite, le Cercle servit de salle de spectacle de la Commune, mais gérée en association. Puis la lettre « A » du C.A.F. sur le portail d’entrée, disparut, et plus rien de sportif (et encore moins de « préparation militaire ») n’eut lieu. Ce n’est que lorsque les activités culturelles et divertissantes du Cercle se mirent en sommeil que le Club de Tennis de table s’installa dans les locaux du Cercle, vers 1973.

Après la Libération, le groupe artistique du Cercle créa une chanson célèbre, du moins les paroles, puisqu’elle se chantait sur l’air de « Mon Paris » (chanson de Lucien Boyer, musique Jean Boyer et Vincent Scotto, 1925) ; dans ce « Mon Feyzin », tous les quartiers y passaient (7 couplets et le refrain, qui seront intégralement cités ici prochainement).


 

L’une de mes frangines, pour ne pas la nommer « la D’nise », participa activement durant sa jeunesse folle aux activités du Cercle, au point que ma mère se demandait quand elle irait y dormir toutes les nuits définitivement. C’était aux côtés de Josette, Nicole, Dédée, Vonvon, Marie-Hélène et bien d’autres. Soirées à thèmes (costumées par exemple),bals ou premières « surprises parties » (où l’on craignait parfois l’intrusion des blousons noirs de Vénissieux), repas des Rois, puis théâtre avec le fameux Micky Lou (mon beauf Jean-Louis). Il y eut même une Société Mycologique. Georges Saunier donna aussi au Cercle plusieurs conférences sur le vieux Feyzin, avec la projection des diapos de Robert Sublet.


 

Ma collaboratrice (vous ne saviez pas que j’avais une collaboratrice, hein ?) Marie-Paule raconte son souvenir du Cercle, et ça me fait vraiment penser à Jean-Paul Sartre, dans Les Mots, lorsqu’il évoque les salles de cinéma(tographe) de son enfance :

 Je me souviens tout d'abord de la cour avec ses deux vieux acacias devant l'entrée de la salle qui semblaient dépérir d'année en année et du portail métallique peint en gris qui fermait en pointe sur le sigle C.A.F., avec la lettre A qui formait la pointe du milieu.

Je me souviens qu'on rentrait par la porte du fond sur une espèce de grande estrade avec le bar dans le fond. Il me semble qu'il y avait comme un vestiaire tout de suite en entrant à gauche. Au bout de cette estrade, on descendait dans la salle où étaient rangés pêle-mêle, bancs et chaises. Il semble même que certains bancs avaient été récupérés à l'église. Il y avait quand même une allée centrale pour pouvoir accéder aux premiers rangs. [oui, et je crois même que devant il y avait les chaises]

Les fenêtres qui donnaient sur la rue étaient assez hautes, elles éclairaient mais ne permettaient pas de regarder ce qui se passait dans la rue (d'ailleurs, on n’était pas là pour ça). Les autres ouvertures, c'étaient les portes-fenêtres qui donnaient sur la cour et qui servaient d'issue de secours. Leurs volets fermaient mal et c'était souvent un problème pour faire l'obscurité à l'occasion de certains spectacles.

 Quand on était petit, c'était un vrai plaisir de traverser la scène en montant par l'escalier "cour" et redescendre par celui "jardin". On le faisait même si on n’avait rien à faire là. On se faisait engueuler par un papa qui passait par là et qui nous disait: "Vous avez rien à faire là !" (çà, par exemple !)


 

Le must, c'était d'avoir le droit de passer par la maisonnette en contrebas de la scène. Ca voulait dire qu'on faisait partie du spectacle ! On s'entassait dans ce réduit (« Chut, faut pas faire de bruit, on est en train de vous annoncer ») toutes déguisées, en tutu, ou avec des ombrelles, ou des arceaux avec des fleurs en papier pour je ne sais quelle chanson ou quel ballet. A mesure que je te le raconte, ça me fait penser à "Jésus, Jésus, jésus revient" de "La vie est un long fleuve tranquille" et je suis morte de rire !!

On passait par les coulisses qui étaient masquées par ces grands panneaux verticaux peints avec des décors de sous-bois. "La scène se passe dans une chambre à coucher ? Tant pis, on n’a que ça ! On n’a qu'à faire croire que c'est la couleur du papier peint... :)" Et on se retrouvait derrière cet énorme rideau de velours cramoisi, à attendre que les pans s'écartent pour prendre en pleine poire les feux de la rampe multicolore qui nous chauffaient les jambes quand on se mettait trop près. Un délice, le trac des jeunes premiers !

 Combien de fois a-t-on pu applaudir Hervé Perronnet avec son accordéon. Il était tout petit (il avait mon âge). Ce gamin était un prodige. Je crois bien qu'il en a fait son métier.

Combien de fois a-t-on ricané face aux blagues de Fredo Lacombe. Il était tellement pince-sans-rire que je me demande si son humour ne serait pas toujours d'actualité… [une sorte de Buster Keaton moderne ?]

 Je me souviens aussi des pièces de théâtre où tes soeurs jouaient. Il y avait Jean-Louis, Josette et Gérard. Je ne sais pas quel âge j'avais.

Il y avait eu aussi un après-midi "Danses folkloriques", ça devait être un peu à l'instigation de l'ORLEC parce que je revois Denise, Dany, Malou et Bernard, Josette qui dansaient sur un podium installé dans la cour. Mais pas le Sba ! [non, ce n’était pas le madison ou un rap précurseur du mia !]

 Après tout ça, on allait boire une limonade et les mamans (ma maman) faisaient des gaufres, ou vendaient des gâteaux faits par d'autres mamans. (ça, ça n'a pas beaucoup changé - moi, pendant des années, j'ai tenu le stand de pêche à la ligne ).

(Marie-Paule Boria)

 

 La D'nise en 1966, coupe tendance Jimi Hendrix (mais ce n'était pas sa coupe de cheveux habituelle...) A noter que le litron de rouge sur la photo est là tout-à-fait fortuitement, je précise...

Qu’est devenue cette scène qui vit tant de talents feyzinois et autres (même le groupe Los Chacos vint y chanter El condor pasa) ? Ma sœur m’a dit que le Cercle Foyer existe toujours en tant qu’association. La salle omnisports des Razes, construite lors d’un des derniers mandats du maire Marcel Ramillier, puis plus tard le Centre culturel Léonard de Vinci (municipalité Marie-Jo Sublet), sur la rue de Beauregard, prirent chacun à sa façon la succession de la salle de spectacle de ce Cercle très ouvert.

 

En allant au Cercle (composition numérique d'après une carte postale ancienne)

Une mémorable soirée costumée (à terre, ce sont les serpentins et confettis que l'on peut voir) Photo miraculeusement sauvée de l'oubli ! (scan d'un négatif)

 Scans de la chanson "Mon Feyzin" fournis par Marie-Paule (merci !)

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R
Les séances diapos de Robert Sublet commentées par Georges Saunier, les voilà les spectacles pour lesquels l'obscurité était requise alors que les volets fermaient mal ! :)
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L
Pas de trêve pour les blogueurs! (on s'en fiche, des fautes).A mesure que je déroulais la photo, j'ai tout de suite reconnu ma Nisou.<br /> Le bal costumé: le type accroupi devant, c'est mon père ! Je me souviens de ce costume ! Je me souviens aussi que ce soir-là, ma mère avait une robe espagnole rouge avec des dentelles noires...<br /> C'est fou, ça !
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