Allez les gones !
Savez-vous parler le Feyzinois ?
En fait, à Feyzin, on parle bien sûr le Lyonnais, avec des mots ou expressions originaires du Dauphiné, elles-mêmes dérivant parfois du provençal. Les régionalismes plus vivants en Beaujolais ou du côté du Pilat, sont nombreux. Ces survivances du patois lyonnais sont encore bien présentes à Feyzin. Les générations d’avant la Seconde Guerre mondiale utilisaient plus fréquemment ces expressions pittoresques, que les linguistes étudient aujourd’hui. Ma grand-mère, puis ma mère, et même ma sœur aînée m’ont parlé en lyonnais. Pour comparer avec La Réunion, on ne parlait pas le lyonnais alors comme on parle le très vivant créole dans ce département d’outremer. Au lycée ou au collège à La Réunion, en cours, on doit parler français ; et parfois, de jeunes élèves qui ne se contrôlent pas et se mettent à parler créole sont surpris d’entendre tel professeur métropolitain leur répondre avec son patois !
Georges Saunier avait évoqué le parler feyzinois dans un chapitre de « Feyzin au passé simple (1986) qu’il avait intitulé « Feyzinoiseries ». Avec beaucoup d’humour, il racontait une histoire « sans cul ni tête », comme il l’écrivait lui-même, pour glisser de nombreux mots et expressions typiques.
Je n’ai pas la prétention de raconter ici comme Georges une histoire similaire. Mais ici, nous évoquons le passé de Feyzin, il me semble bon de faire un petit inventaire non exhaustif de ces mots et expressions, car non seulement nous les utilisons à Feyzin (et dans le Lyonnais) sans nous en rendre compte, mais aussi parce qu’ils font parfois sourire les non initiés. Allons-y pour cet exercice peu facile (à noter que je n’ai relevé qu’une partie des mots ou expressions entendus dans ma jeunesse).
- L’alimentaire : c’est la classification la plus facile ; de la bugne au matefaim, en passant par le godiveau, la rosette, sans oublier un pochon [une louche] de soupe de poreaux [poireaux] de Solaize et les carottes rouges [betteraves rouges], les racines [carottes], on cite aussi la salade de barabans ou de groin d’âne [pissenlits], meilleure avec des cacous [œufs], à moins qu’on préfère la doucette [mâche], les grattons, la cervelle de canut [fromage blanc avec des herbes hachées], avec un petit verre de quina [quinquina] pour commencer er un verre de blanche derrière le corgnolon ou la gargamelle [gosier] pour finir, voilà qui donne envie de foncer dans un bouchon lyonnais pour un bon dîner [déjeuner] arrosé avec un pot [bouteille de 46 cl] de beaujolais…
- L’environnement : il y avait la balme [coteau] à Feyzin, mais aussi tant de lônes [bras de fleuve où l’eau est stagnante] et de vorgines [roseaux]… et des serves [mares]. Que de lieux pour se bambaner [flâner] !
- Les gens : les fenottes [femmes] pouvaient le tantôt [l’après-midi], à l’extérieur s’il n’y avait pas de radée [averse] – sinon elles étaient trempes [trempées]- soit faire des piapas [papoter], soit japiller ou jaqueter [bavarder], surtout si elles étaient barjaques [qui parle à tort et à travers]; au point d’avoir mal aux canilles [jambes] ou aux arpions [orteils], elles n’abondaient pas [n’arrêtaient pas] de parler de leur bon ami [amoureux]ou de leurs gones , attenant [sans discontinuer], ou de ceux qui défuntaient [décédaient] ; mais elles pouvaient aussi se lancer des fions [remarques blessantes] en traitant l’autre de foutraque [fou, excentrique]; sans fouinasser [fureter] dans la vie des gens, elles savaient qu’untel fréquentait [avait des relations sentimentales] ou faisait la pantomine [faisait l’imbécile ou s’agitait bruyamment] ou avait la courate [se déplacer souvent]. Et moi, quand j’étais petit, j’avais peur du pati [chiffonnier]…
- La vie : des fois, à borgnon [à l’aveuglette], il fallait caquer [faire ses besoins] dans la nature, à cacaboson [en position accroupie], et des fois ça emboconanait [sentait mauvais] ; certains étaient colère [en colère] à cause de ça. Mais on ne le faisait pas esqueprès [exprès] et on faisait la bobe [boudait] ou on chougnait [pleurnichait], parce que ça faisait flique [agaçait], on n’avait rien petafiné [abîmé] pourtant ; mais à force d’avoir la ronfle [être grognon], les parents finissaient par nous filer une rouste ou nous sampiller [secouer] ; après on faisait la trogne [prenait un air renfrogné] et ça faisait vilain parce qu’on avait le vertingot [on faisait des caprices]
- Les chats : les mirons de Marie-Paule (Tigrie et Gus)
Sources : Le parler lyonnais par Anne-Marie Vurpas, Editions Payot & Rivages, 1993