"Mousse"

Publié le par Oxymore

Suite des récits de Georges SUBLET...

« La rue Thomas »     Suite……

Parmi les êtres vivants qui avaient pignon sur rue, sur Ma Rue Thomas, il y avait mon compagnon d’enfance. Nous étions mitoyens de chambre lorsque j’avais dix ans.

Il s’appelait « Mousse ». C’était un quadrupède de huit cents kilogrammes, un des chevaux de la famille, car il en fallait à cette époque. Ma chambre était séparée de la sienne par un mur percé d’une petite lucarne. Mon père m’avait donné pour mission, tous les matins vers six heures, de tirer sur une corde ouvrant la trappe qui libérait le foin de son déjeuner.

Je crois m’être assez bien acquitté de cette mission même lorsque je n’étais pas encore bien éveillé. Ma chambre devait probablement sentir un peu le cheval à cause de la lucarne, mais comme cette dernière me permettait d’entendre ce qui se passait de l’autre côté, ceci compensait cela.

Une nuit, je fus réveillé par un grand bruit de sabots, le « Mousse » était malade, le « Mousse » avait la « colique », cette maladie qui tuait souvent les chevaux à cette époque. Vous dire les angoisses nocturnes du gamin de 9 ans que j’étais m’est difficile maintenant, je garde encore le souvenir de cette nuit.
Mais le lendemain, le vétérinaire ayant guéri son patient, je me souviens beaucoup plus de ma joie, quand le surlendemain, mon père m’a assis sur le cheval comme il en avait l’habitude, quand il partait aux champs. Je suis même sûr que ce jour-là, le blé était plus doré, le soleil plus brillant, quand nous avons monté la côte du Bandonnier pour aller rejoindre la Rosalue, la moissonneuse qui nous attendait le long des « anrayous ».
Et le soir, sous le platane de la cour de la ferme, où nous mangions, lorsque le « Mousse » a posé son énorme patte sur le coin de la table, pour réclamer le pain et le sucre de son dessert, un ange a dû passer au-dessus de la table de la famille. Seuls les grillons, non concernés, continuaient leur concert.

Que les autres chevaux de la rue me pardonnent mon chevalinisme, mais vous savez, l’amitié, ça ne se commande pas.

Si je me suis permis d’intercaler un quadrupède dans mes récits, je vous en demande pardon. Il y a des histoires que l’on aime raconter. Il y a des histoires qu’il faut raconter, ne serait-ce que pour dépeindre les rapports qui unissaient les gens de Ma Rue et leurs chevaux.

Eux me comprendront (les enfants aussi, je suppose)

Hue !!! Ho !!! Vinitie !!! Ouoo !!! Arrie !!!  (ne croyez pas que j’aie abusé des points d’exclamation, car les gens de ma Rue parlaient très fort à leurs chevaux)

Avance ! Arrête ! A droite ! A gauche ! Arrière !

Patois ? Langage Cheval ? Va savoir…

Georges SUBLET

 

 Scan du N° 1 du "Potin" (Dominique Bailly)

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